Par Pascal Forget, Ph. D., ing., professeur, Département de génie industriel de l’UQTR
«Les plans ne valent rien, mais planifier vaut tout.» Lorsque le président Eisenhower a prononcé ces mots en 1957, il puisait dans son expérience militaire, mais il désirait surtout nous transmettre un message important : la planification est essentielle.
Une grande partie des entreprises au Québec, de toutes tailles et de tous profils, planifient leurs stratégies de développement. Depuis 2000, avec l’adoption de la Loi sur l’administration publique, les organisations publiques (CIUSS, universités, commissions scolaires, ministères, agences, etc.) sont obligées de présenter une planification stratégique et d’en rendre compte. L’effort demandé est important, mais pas vain, puisqu’il permet de réfléchir à une vision (où voulons-nous mener notre organisation dans les prochaines années?) et la façon de s’y prendre pour atteindre cette dernière.
Mais (trop) souvent, la communication et le suivi de cette planification font défaut, réduisant de beaucoup son impact et les chances de réaliser la vision. Que ce soit en raison du manque d’engagement des gestionnaires ou des employés, du désintérêt à se mesurer par rapport aux objectifs fixés ou du manque de temps, les raisons sont nombreuses pour laisser cette planification stratégique accumuler la poussière jusqu’à la prochaine fois, dans cinq ans.
Essentiellement, une démarche de planification stratégique comprend trois étapes : la formulation, le déploiement et l’exécution. La formulation peut prendre plusieurs formes et être réalisée à l’aide de plusieurs outils, mais elle comporte généralement une mission, des valeurs, un état actuel (contexte), un énoncé de vision, des objectifs (déclinés en enjeux, axes ou orientations), des actions et des cibles. De son côté, le déploiement consiste à transmettre les objectifs et actions de la planification stratégique aux directions, services et équipes, et d’en assurer un certain suivi. Finalement, l’exécution est la réalisation des actions du plan par les employés et l’atteinte (on l’espère) des cibles.
La méthode traditionnelle utilisée par bon nombre d’organisations pourrait être à l’origine du désengagement et du désintérêt des employés. On parle ici de réunir les dirigeants pendant quelques jours pour réfléchir à la formation de la planification stratégique (un bon vieux « lac-à-l’épaule »), pour par la suite tenter de convaincre les employés de suivre. Les directeurs et chefs d’équipe deviennent alors responsables de superviser l’exécution des actions stratégiques prévues et, dans cinq ans, donner un compte rendu de la réalisation du plan.
Il existe une méthode plus inclusive, rassembleuse, axée sur le suivi et la gestion visuelle. Certains l’appellent méthode Hoshin, Hoshin Kanri, ou Policy deployment en anglais. Principalement dédiée au déploiement de la planification stratégique, elle se différencie de la méthode traditionnelle sur les points suivants :
Allers-retours de consultation avec les employés (catchball)
Les employés sont impliqués rapidement dans la démarche, en étant consultés au niveau du choix des objectifs, des actions stratégiques, des indicateurs et des cibles pour atteindre la vision. Les dirigeants proposent des objectifs, alors que les employés peuvent proposer des modifications ou des ajouts. Pour ce qui est des actions, ce sont les employés qui les soumettent aux dirigeants, ces derniers étant invités à donner leurs commentaires. Cette implication plus importante des employés favorise un engagement accentué.
Gestion visuelle du suivi
Pour faciliter la communication et le suivi, on utilise la matrice en X, sous forme d’affiche, présentant les liens entre les objectifs, les actions et les indicateurs de performance. Cette matrice sert d’outil de communication et d’animation de rencontres pour les différents niveaux hiérarchiques de l’organisation. La haute direction utilise une matrice en X de type stratégique pour suivre l’évolution des objectifs de la planification stratégique, alors que les directions utilisent une matrice en X de type tactique pour suivre les actions déployées dans leur propre service. Les affiches, visibles en tout temps par le personnel concerné, permettent de rendre concret l’avancement de l’organisation vers la vision que l’on désire atteindre.
Accent sur la mesure et la discussion en équipe
Puisque la mesure d’indicateurs de performance est essentielle pour vérifier l’atteinte des objectifs, les employés et dirigeants ont des responsabilités partagées de mesure d’indicateurs en lien avec les objectifs stratégiques. Les rencontres (mensuelles ou trimestrielles) permettent de faire état de l’avancement de l’exécution de la planification stratégique. En cas de retards, on n’y distribue pas des blâmes, mais on y discute de solutions pour réussir à atteindre les cibles pour la prochaine rencontre.
La planification stratégique doit permettre à une organisation de rassembler tous ses membres pour aligner leurs efforts et leurs actions. La méthode Hoshin permet d’atteindre cet objectif en misant sur une implication des employés, une communication fréquente, une gestion visuelle de l’avancement et la mesure des objectifs vers les cibles. Bonne planification!