L’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec a adopté un règlement permettant à ses membres de s’incorporer à compter du mois de février 2003, et ce, sous certaines conditions. Depuis, c’est plus d’une vingtaine d’ordres professionnels qui ont franchi le pas et qui permettent à leurs membres d’en faire autant. On n’a qu’à penser aux médecins, aux dentistes, aux pharmaciens, aux vétérinaires, aux optométristes, aux architectes et aux arpenteurs-géomètres, pour n’en nommer que quelques-uns. Une incorporation bien structurée peut procurer plusieurs avantages potentiels aux professionnels, selon leur situation personnelle et familiale.
Avantages de l’incorporation :
1. Le report d’impôt
À l’heure actuelle, un particulier résidant au Québec est assujetti à un taux d’imposition pouvant atteindre 49,97 % sur les revenus gagnés personnellement. En revanche, une société exploitant une entreprise au Québec est, quant à elle, assujettie à un taux d’imposition fixe de 19 % sur son revenu imposable annuel n’excédant pas 500 000 $. Ainsi, le professionnel incorporé n’ayant pas besoin de tous les revenus générés pour subvenir à ses besoins peut se verser une rémunération suffisante et laisser l’excédent dans sa société, profitant ainsi d’un report d’impôt pouvant atteindre 30 % sur cette tranche de revenus.
2. Le fractionnement de revenu
Certains ordres professionnels permettent également aux membres de la famille du professionnel d’être actionnaires de la société. Ainsi, sous respect de certains critères, le professionnel pourra distribuer une partie des profits réalisés par la société à des membres adultes de sa famille ayant des revenus plus faibles et étant par le fait même assujettis à un taux d’imposition plus bas, permettant une économie d’impôt au sein de la famille.
3. La déduction pour gain en capital
Un particulier résidant au Canada peut, sous réserve de certaines conditions, bénéficier d’une déduction pour gain en capital pouvant atteindre 800 000 $ dans le cadre de la vente des actions d’une société. Un professionnel incorporé pourrait donc avoir la possibilité de réduire grandement, voire d’éliminer l’impôt attribuable au gain en capital réalisé en cas de vente de sa pratique à un autre professionnel. À l’opposé, un propriétaire d’entreprise non incorporé ne pourrait bénéficier d’une telle déduction en cas de vente des actifs de sa pratique.
4. La prise en charge de dettes d’affaires par la compagnie
D’une façon similaire au report d’impôt, la prise en charge de dettes d’affaires par la compagnie peut permettre au professionnel incorporé de rembourser celles-ci plus rapidement. À titre d’exemple, un professionnel non incorporé devra procéder au remboursement de ses dettes d’affaires avec de l’argent après impôt, c’est-à-dire à même les liquidités personnelles disponibles en tenant compte de l’impôt applicable sur les revenus, lequel impôt peut atteindre 49,97 % de ceux-ci. Une incorporation bien structurée permettra au professionnel de transférer ses dettes d’affaires à la compagnie qui, elle, peut être assujettie à un taux d’imposition de 19 %, comme illustré plus tôt. La compagnie disposera donc de davantage de liquidités pour s’acquitter de ses obligations financières.
Quelques inconvénients de l’incorporation :
1. Honoraires professionnels
En plus des frais d’incorporation et d’organisation au départ, des frais comptables et juridiques annuels seront à prévoir pour les états financiers, les déclarations de revenus fiscales et autres documents légaux qu’une société devra produire.
2. Formalités administratives
Toute société incorporée doit s’assurer de la tenue à jour rigoureuse de divers registres. Une société doit également tenir sa propre comptabilité distincte de celle de ses actionnaires. À cela peuvent s’ajouter des documents et des formulaires fiscaux à produire selon le type d’entreprise et le mode de rémunération adopté annuellement pour les employés et les actionnaires de la société.
Conclusion
Comme démontré au cours de cet article, l’incorporation peut comporter plusieurs avantages potentiels pour ses membres malgré les honoraires professionnels supplémentaires et les formalités administratives qui accompagnent le processus. Comme chaque ordre professionnel permettant à ses membres de s’incorporer encadre le processus par une série de règlements devant être respectés, l’accompagnement par des professionnels fiscaux et légaux compétents en la matière est indispensable.
M. Jim Buki M. Fisc. Directeur principal en fiscalité Deloitte